Prêtre de la génération Z : Le musicien canadien chante et rappe des dizaines de milliers de paroles pendant ses concerts. On peut les résumer ainsi : Drake, Drake, Drake.


Tel un maître de cérémonie, il se penche en avant pour s'adresser à la foule. Pour Drake, cela fait partie de son programme bien-être. Il s'adresse directement aux « petites filles » et aux « garçons » du public, souhaitant que chacun passe un excellent moment en ce lundi soir au Hallenstadion d'Oerlikon. Il qualifie même ce moment de « changeant de vie ».
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Drake est moins un rappeur de rue qu'un architecte d'une scène pop mondiale dont il est lui-même le centre. Il allie sentimentalisme (« Marvin's Room »), agressivité (« IDGAF ») et attrait grand public (« Nokia ») dans un même spectacle, comme s'il avait invité plus de 10 000 amis de la génération Z.
Pas en colère, mais déçuLa scène s'étend tel un anneau autour du Hallenstadion, flottant juste au-dessus du public encerclé dans les tribunes. Drake se tient là, presque à portée de main, à hauteur des yeux des spectateurs. Si vous oubliez les paroles en chantant, il pourrait vous rattraper. Il ne serait probablement pas en colère, mais déçu.
Personne n'est assis lorsqu'il entre dans l'arène. Les fans du stade presque complet hurlent à chaque ligne, dès le début. Des milliers de mots sont prononcés tout au long de ce medley de plus de deux heures. On peut les résumer ainsi : Drake, Drake, Drake.
La musique de Drake tourne sans cesse autour de lui-même, avec une grande gravité. Il est d'abord préoccupé par son propre passé d'enfant divorcé, puis par l'idolâtrie qu'il porte à sa mère, et enfin par sa passion pour les femmes qui en résulte.
Ses chansons ne sont jamais vraiment réussies ; parfois même carrément ratées. Même et surtout lorsqu'il rappe, sa voix flotte toujours avec une amplitude délicate et une douce mélancolie sur les basses bouillonnantes et les charlestons frémissants. Ses pauses dramatiques sont imprévisibles, son timing parfait.
Moins de luttes de pouvoir, plus de réseautageDrake, de son vrai nom Aubrey Graham, né à Toronto en 1986, connaît un succès si incroyable depuis plus d'une décennie qu'il est régulièrement présenté comme l'héritier légitime du « Roi de la Pop » Michael Jackson – bien sûr que non, si vous demandez à Kendrick Lamar.
« $ome $pecial $hows 4 EU » est la première tournée de Drake depuis son échange sombre avec le rappeur de Los Angeles. Durant cette tournée, « Not Like Us » de Lamar – une chanson évoquant la prétendue prédilection de Drake pour les femmes trop jeunes – est devenu un hymne pop, a remporté un Grammy et, début 2025, un moment fort de la mi-temps du Super Bowl. Des soirées comme celle-ci au Hallenstadion, que Drake répétera mardi, servent désormais à cultiver son réseau, et certainement aussi son ego. Et elles constituent une déclaration contre le corset étroit que, selon lui, les fans de Lamar veulent imposer au hip-hop : la vision de Drake n'est pas puriste, mais large.
Drill britannique, dancehall jamaïcain, afrobeats nigérians, amapiano sud-africain : son univers musical est un marché mondial où s'échangent les genres. Ses performances, où Drake explore toutes les étapes de son développement, illustrent parfaitement la transformation qu'il a opérée au cours de sa carrière : il s'éloigne de la lutte de pouvoir classique du hip-hop pour une architecture pop où chaque chose a sa place, pourvu que cela se fasse sous son égide.
Avec « Thank Me Later » (2010) et surtout « Take Care » (2011), Drake a fusionné rap introspectif et sensibilité R&B. Il a ainsi établi le courant dominant du rap emo, où vulnérabilité et références au luxe cohabitent. Sur les réseaux sociaux, il a créé son propre système de référence, un système qui le concerne avant tout – une caisse de résonance dans laquelle il peut se refléter à l'infini.
Drake exécute sa performance avec une intensité digne d'un long métrage. Il se précipite sans cesse de l'extrême gauche à l'extrême droite, puis inversement, passant devant des lance-flammes d'un mètre de haut, accompagné par des fans qui sautent sans relâche. Drake a peut-être perdu la bataille contre son compatriote Kendrick Lamar, mais au Hallenstadion de Zurich, le rappeur canadien reste le public le plus populaire.
Le deuxième concert de Drake aura lieu le 12 août au Hallenstadion de Zurich.
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