Sélectionner la langue

French

Down Icon

Sélectionnez un pays

Spain

Down Icon

Josep Pons : « Nous jouons des concerts comme ceux du XIXe siècle, nous devons évoluer. »

Josep Pons : « Nous jouons des concerts comme ceux du XIXe siècle, nous devons évoluer. »

Josep Pons passera la saison prochaine un pied au Liceu et l'autre à la Deutsche Radio Philharmonie. Une période de transition durant laquelle il conclura ses quinze années de carrière à l'Orquestra del Gran Teatre tout en jetant les bases du nouveau projet qu'il a conçu pour l'ensemble allemand, dont il est également le directeur artistique. Il l'a présenté il y a quelques jours dans l'une des salles de l'orchestre, à Sarrebruck, capitale de la Sarre, non sans créer la surprise. Son objectif est de renouveler le modèle du concert symphonique, encore du XIXe siècle. Les concerts inauguraux de son mandat auront lieu du 9 au 11 octobre, à Sarrebruck, Kaiserslautern et Metz.

Lire aussi

Il dit qu'être directeur musical d'un opéra, c'est comme entrer dans un couvent.

Oui, je suis au couvent depuis 14 ans et j'ai eu le temps de réfléchir à l'avenir du monde orchestral. Quoi qu'il en soit, mon passage à Madrid à la tête de l'ONE était déjà un projet urbain impliquant le Prado et le Thyssen-Bornemisza. Le monde du concert a progressivement évolué, de Mozart et Haydn à l'orchestre symphonique que nous connaissons aujourd'hui : nombre de musiciens, style de jeu, densité sonore, dimensions des salles, leur capacité, tenues… Beethoven était déjà une octave plus grand que Mozart, jusqu'à l'ère industrielle, où cette évolution s'est figée. Les salles que nous connaissons, comme le Concertgebouw, datent de cette époque. L'orchestre est celui de Wagner, pour le moins, et le nombre d'instruments n'évolue plus, tout comme la tenue : les fracs des musiciens étaient la tenue de cérémonie de l'époque. Et le protocole est le suivant : lorsque j'entre pour diriger, je salue le chef d'orchestre et, à la fin, je récompense le meilleur. De plus, les séries de concerts symphoniques par abonnement sont similaires à celles de l'époque ; les gens viennent pour socialiser et trouver un programme idéal, alliant ouverture, concert et symphonie. Le même concert est donné chaque semaine ; l'ordre des notes change, mais il est toujours le même. Partout dans le monde.

Josep Pons donnera ses premiers concerts en tant que chef d'orchestre de la Deutsche Radio Philharmonie en octobre.

Josep Pons donnera ses premiers concerts en tant que chef d'orchestre de la Deutsche Radio Philharmonie en octobre.

Igor Cortadellas

Le musée a encore évolué.

Oui, tous les lieux d'expression artistique l'ont fait, que ce soit un musée, un théâtre, un opéra… L'évolution de l'opéra est incroyable. À la Renaissance, différents domaines du savoir se rejoignaient, tandis qu'aujourd'hui, un même objet est observé séparément et partiellement par un compositeur, un peintre… Une vision plus large permet sans aucun doute de comprendre l'objet. D'autre part, les domaines de pensée autrefois séparés tendent désormais à fusionner : métaphysique, physique quantique, philosophie…

Que faut-il pour qu’un orchestre puisse générer un renouveau dans ce sens ?

Il ne s'agit pas de modifier le répertoire – Bach, Mozart, Beethoven, Verdi… – mais plutôt de le repenser pour nous aider à le redécouvrir. Ces dernières années, l'opéra a cherché non pas tant à expliquer un titre autrement, mais plutôt à susciter l'émotion d'une première fois, ce choc que le titre a provoqué lors de sa création mondiale. Je propose des sphères thématiques, des capsules qui ne se limitent pas à une seule saison. La Deutsche Radio Philharmonie est au carrefour de l'Allemagne, du Luxembourg et de la France.

« Je veux que la musique soit pour la première fois un moteur pour d’autres réflexions. »

Le cœur de l'Europe.

Oui, et je propose une grande capsule intitulée « Visions d'Europe » car, malgré la débâcle mondiale actuelle, je crois que l'Europe est la solution. La première année, le thème est le titre du livre de Stefan Zweig, « Le Monde d'hier » , c'est-à-dire le meilleur de l'humanité, la beauté dans l'art, la pensée, le bien-être, la sécurité, la capacité d'autocritique. À cette époque, au début du XXe siècle, on n'a pas pu empêcher l'éruption du volcan qui allait se déclencher sous la forme de la Grande Guerre, puis de la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, le monde d'hier n'est-il pas peut-être celui d'aujourd'hui ? Je souhaite tenter de faire de la musique, pour la première fois, un moteur de réflexions nouvelles, qui puisent dans d'autres disciplines et savoirs. Et là, je suis infiniment reconnaissant d'être un orchestre radiophonique, car ce que nous faisons a un impact immédiat, que ce soit musicalement ou avec un podcast, la création d'un forum vidéo, etc. Nous devons commencer à penser à des noms de philosophes, de penseurs, d'artistes et d'écrivains sous cette devise du monde d'hier, à commencer par Orlando Figes et son livre Les Européens.

Et les deux autres années de ces Visions de l’Europe ?

Le thème de la deuxième année sera les piliers de l'Europe, ses racines : la mythologie grecque et romaine, Jérusalem, le christianisme, le judaïsme, les mythologies nordiques… Shakespeare, Goethe, Dante, Montaigne. Et la troisième vision sera celle d'une Europe irrésolue : celle des nationalismes. On en trouve ici, en Angleterre, en Allemagne, en Italie…

Beethoven transcende les limites de la beauté de Mozart, tout comme Goya transcende celles de Velázquez. Comment interpréter les deux ?

Et comment ces capsules se traduisent-elles en musique ?

La première partie est entièrement composée d'ouvertures d'opéras de Beethoven, mêlées à d'autres de Mozart, montrant comment Beethoven repousse les limites de la beauté, tout comme Goya repousse celles de Vélasquez. Comment interpréter les deux ? Se rapprocher soulève des questions. Et dans la deuxième partie, en parlant de mythes, nous aborderons par exemple la Suite Elektra de R. Strauss. Et des programmes sur les cours européennes : le Versailles de Lully et son Bourgeois Gentilhomme sur Molière, que Strauss retrouvera plus tard dans sa Suite éponyme, qui est en fait la première partie d' Ariane à Naxos . Nous ferons ce genre de voyages depuis Versailles… Concernant les nationalismes, nous avons aussi tout ce qui est périphérique à leur centre. Et il y aura une discussion à ce sujet sur le forum. Un autre projet majeur est Universum Hildegard , dédié à la polymathe médiévale Hildegard von Bingen, musicienne, poète, médecin, anthropologue, naturaliste, féministe… et première femme, en tant que religieuse, à décrire l'orgasme féminin. Nous présenterons également en avant-première l'oratorio Hildegard de Roland Kunz. Et Hildegard ? Vous pouvez écouter une œuvre, mais pour aller plus loin : il s'agit d'une expérience esthétique, et pas seulement acoustique, ce qui, je pense, est essentiel pour susciter l'intérêt. Il y aura d'autres capsules, comme Laments of Passion , non seulement religieuses mais profanes, comme celle de feu Sebastião Salgado pour la planète.

lavanguardia

lavanguardia

Nouvelles similaires

Toutes les actualités
Animated ArrowAnimated ArrowAnimated Arrow