Go Nagai, créateur de Goldorak : «J’y ai mis le meilleur de moi-même »

À l’occasion de la sortie d’une montre hommage pour le 50e anniversaire de sa création, le maître japonais, aujourd’hui âgé de 80 ans, était de passage à Milan.
Fashion week oblige, les rues du centre de Milan sont encombrées par des files interminables de vans noirs, attendant mannequins, stars et spectateurs accueillis dans les discrets palais de la ville. Mais pendant que les collections printemps-été 2026 des plus grandes maisons de mode se dévoilaient, une autre star bien plus humble et discrète arrivait près du Duomo : Go Nagai, l’homme qui inventa (notamment) Goldorak, un des pionniers de la vague « Mecha » du manga et du dessin animé japonais, faite de robots humanoïdes géants se battant pour sauver la planète.
Gundam, Mazinger Z, Evangelion… Des années 1970 à nos jours, qui n’a pas suivi leurs aventures ? À commencer par celles de Goldorak, nom français de la série « Ufo Robot Grendizer ». Il faut avoir été enfant dans la France des années 1970 pour se souvenir du choc de l’arrivée de ce premier dessin animé de science-fiction signé Toei Animations. Quel programme, de nos jours, pourrait se vanter de faire 100% d’audience, comme l’émission Récré A2 ? Actarus, prince d’Euphor, prenait le relais des preux chevaliers du temps jadis, avec son gigantesque robot de combat associé à sa soucoupe porteuse. Une véritable révolution pour toute une génération dans l’Hexagone, quand elle ne faisait que clore la trilogie Mazinger au Japon. Cinquante ans plus tard, les 74 épisodes d’une petite demi-heure de Goldorak suscitent toujours autant de passion, et de plus en plus de nostalgie. À tel point qu’en 2021, avec l’accord de Gō Nagai, cinq auteurs français publiaient une bande dessinée hommage se déroulant dix ans après la fin de l’anime.
À Milan, signe de la notoriété durable de la série en Italie, les autorités de la ville avaient exceptionnellement autorisé Tissot à rhabiller les arcades de sa boutique à deux pas du célèbre Duomo aux couleurs du robot géant. « Il faut dire que les deux pays où Goldorak a eu le plus de succès en Europe auront été la France et l’Italie, qui a en revanche gardé le nom originel de Grendizer, résume Sylvain Dolla, président de la marque suisse de montres Tissot, et grand fan de Goldorak. La nostalgie et la passion sont la même des deux côtés des Alpes pour ceux qui sont nés dans les années 1970 et 1980 ». C’est d’ailleurs lui qui, l’an passé, a eu l’idée de contacter l’atelier de l’auteur japonais pour imaginer une montre hommage au robot géant piloté par le bel Actarus, prince d’Alcor. Résultat : un succès en boutique, et des milliers de montres vendues rien qu’en France. Pour rencontrer le maître, certains n’ont pas hésité à dormir devant la porte de la boutique Tissot. Mais aussi pour s’offrir la montre en édition limitée à 1975 exemplaires produite pour célébrer les 50 ans de Goldorak. Pourquoi Milan ? « Go Nagai était l’invité d’honneur du festival de Japan Matsuri de Bellinzona, en Suisse, qui célèbre la culture japonaise, explique Sylvain Dolla. Milan est juste à côté, avec cette belle boutique Tissot à deux pas du Duomo pour accueillir le lancement de cette édition limitée 50e anniversaire. » Une boutique redécorée dans les moindres détails aux couleurs de la série, les vitrines métamorphosées en console d’ordinateur des années 1970, et les étagères parsemées de figurines, de bustes et de fulguro-poings. « Les 50 ans de Goldorak, c’est un anniversaire je ne voulais pas laisser passer. C’est pour cela que j’ai voulu proposer une édition limitée à 1975 exemplaires, avec une aiguille en or 18 carats, un cadran encore plus dynamique que le premier modèle. »
Face aux fans, l’artiste aujourd’hui âgé de 82 ans, au fond plus connu en Europe que dans son propre pays, a l’air étonné de l’accueil qui lui est réservé. C’est même lui qui offrira à son arrivée des T shirts ornés d’un motif Grendizer vintage aux équipes de Tissot. « Je suis très heureux qu’il y ait autant de fans encore aujourd’hui en dehors du Japon, confie-t-il. C’est une très grande surprise, tout comme le fait qu’il y ait tant de collectionneurs de Goldorak. Au début, je n’avais pas remarqué, mais au fil des interviews, j’ai fini par le réaliser ! » Mais comment expliquer que le design du robot géant, de sa soucoupe et de ses personnages n’ait pas pris une ride en 50 ans ? « C’est parce que j’y ai mis le meilleur de moi-même quand je l’ai créé. Et c’est aussi un design unique. C’est sans doute pour cela qu’il est resté aussi moderne de nos jours. »
Ce qui ne l’aura pas empêché d’être franchement étonné qu’une grande marque horlogère suisse l’ait contacté pour créer une montre hommage à son œuvre. « Plus que surpris, j’étais surtout content qu’un pays comme la Suisse me propose de faire une telle montre. Je leur dis plutôt bravo ! Et cette nouvelle édition anniversaire est très stylée, entre son cadran noir et son écrin. » D’autant plus que chacune des 1975 montres Tissot PRX Édition Spéciale Goldorak 50e Anniversaire (1095 €) est accompagnée d’un dessin original signé du maître. « C’est incroyable de précision et de détails, s’étonne le président de Tissot. Quand je les ai vus, j’ai cru qu’il s’agissait de copies tant ils étaient identiques. Mais il a pris le temps de les dessiner un à un ! Pour lui, Goldorak « est une vraie madeleine de Proust, une des choses qui m’a le plus marqué ces 52 dernières années, avec Gladiator et Interstellar. » Et il n’avait pas tort, malgré les doutes des membres les plus jeunes de ses équipes, car la première montre Goldorak s’est déjà vendue à des milliers d’exemplaires en France, et reste disponible. « Ce qui me fait plaisir, c’est que l’on a amené à Tissot des gens qui n’étaient pas intéressés par l’horlogerie suisse, ou qui ne s’intéressaient qu’à la très haute horlogerie. La première pièce que l’on a vendue en boutique en Suisse l’a été à un chercheur français aux États-Unis. Il avait une montre à 200 ou 300 000 euros au poignet et a dit « je n’aurais jamais cru acheter une Tissot un jour ! » Il a enlevé sa montre, l’a mise dans son sac et est reparti avec sa Goldorak au poignet. Avec elle, nous avons touché tous les fans, mais aussi une clientèle plus jeune que nous ne le pensions, des 35-40 ans. »
Sur le cadran de l’édition anniversaire entièrement revêtue de PVD noir, tourne une aiguille des secondes en or 18 carats en forme d’astéro hache. Mais c’est bien la silhouette de Goldorak qui domine le cadran, son poing fermé incliné vers l’avant comme s’il était prêt à briser la glace saphir. Dans le noir, ses yeux s’illuminent d’un jaune intense, tandis que le Super-LumiNova dessine sa silhouette. Décidément, Goldorak est toujours vivant et prêt à se battre…
lefigaro