Il est l'un des plus anciens de France: pour ses 50 ans, le festival de théâtre de Roquebrune-Cap-Martin revient sur son histoire

"Quels sont les festivals de théâtre les plus anciens de France?" La réponse ne tarde pas à tomber du côté de ChatGPT. Avignon, Sarlat… Et voilà qu’apparaît, en septième position, Roquebrune-Cap-Martin. "Vous voyez, même une application américaine le sait!", s’esclaffe Chantal Martino, la présidente dudit événement roquebrunois. Qui fête, cette année, ses cinquante ans.

Pour comprendre la genèse du festival, fondé en 1975, il faut remonter à l’année précédente. Le centre culture et loisirs (CCL) vient alors de se créer. Parmi les premières activités proposées, on retrouve de l’art dramatique. Un passionné de théâtre, Daniel Maggiore, propose en effet de l’initiation. Avec l’aide de Fernand Salti et Cyrille Peyre. Les cours se passent tellement bien que début 1975, on envisage monter un spectacle. La gent féminine est très largement majoritaire? Dont acte. On proposera une adaptation contemporaine de l’Assemblée des femmes d’Aristophane. Ne manque plus qu’un nom pour désigner cette nouvelle troupe. Ce sera le Bataclan Théâtre, pour traduire le "joyeux remue-ménage" qui règne au sein de l’équipe.

"Pendant ce temps, Cyrille a établi des contacts avec des troupes déjà existantes à Roquebrune et à Menton, retrace Daniel Maggiore dans un texte écrit pour les 50 ans. Il y a une troupe d’ados montée par Gérard, prof’ à l’Institution Saint-Joseph, qui présente en fin d’année scolaire une pièce de théâtre classique. Et celle du Docteur Fievet, à Menton, qui donne plutôt dans le boulevard comique. Alors pourquoi pas réunir nos trois spectacles sur trois soirées, dans la salle du Village?" Cette jolie trinité signera officiellement les débuts du festival. Au mois de mai 1975.

Des troupes de Nice, Cannes, Vence, puis de toute la région ne tardent pas à y venir en représentation. "Après les toutes premières années, le festival sera assez rodé et équipé pour se délocaliser sur le site magnifique du parvis du château. Même si au début on distribue des coussins aux spectateurs qui s’assoient à même le rocher en pente ; les bancs fixes ne viendront que plus tard", se remémore Daniel Maggiore.

Chantal Martino, quant à elle, rejoint le mouvement en 1986. D’abord pour suivre des cours de théâtre… jusqu’à peu à peu faire partie de l’équipe organisatrice du festival. "Quand j’ai été élue présidente du CCL en 1995, le festival était sous son égide. Mais comme l’événement prenait de l’ampleur, nous avons fait une scission pour des questions administratives. On a donc créé Châtelains et saltimbanques pour porter l’événement."

Au fil du temps, Chantal Martino marque le festival de son empreinte. En y ajoutant de la danse, il y a 25 ans. Puis en programmant des têtes d’affiche, dès 2011. Pour aller toujours plus loin. Plus haut. Le premier d’entre eux s’appelle alors… Richard Bohringer. "C’était un amour. Comme il mangeait bio, mon mari lui avait ramené une caisse de tomates de toutes les couleurs. Il en a même parlé pendant son spectacle. Et quand il est venu une deuxième fois, il m’a appelée pour en redemander!", raconte Chantal Martino. Très marquée, également, par Marc Jolivet [avec elle en photo ci-dessous N.D.L.R.]. Par Titoff, aussi. "On avait dansé ensemble dans les rues du village. Il me dit: 'Toi qui es prof de danse, qu’est-ce que tu en penses?' Puis il m’a fait une confidence: il s’apprêtait à participer à Danse avec les stars."

La présidente garde aussi de beaux souvenirs de Christophe Barbier et de Jean-Claude Drouot. Ou, plus récemment, du Comte de Bouderbala et de Franjo. "L’humour non plus n’était pas programmé au début. On cherche toujours quelque chose de différent. À l’exemple de la comédie musicale qu’on programme cette année", souligne Chantal Martino. Qui peut compter sur un noyau dur de six personnes pour l’organisation, en plus d’une précieuse aide ponctuelle.

Quant à la sélection des spectacles, elle répond toujours à la même logique. "On me fait des propositions. Je regarde, de manière à faire une présélection. Si cela m’intéresse, je vais voir le spectacle. Ou alors je demande la vidéo complète - pas juste un teaser", indique-t-elle. Précisant avoir confiance en quatre personnes qu’elle envoie parfois assister à des représentations. "Quand j’ai tout vu, je fais en sorte de bâtir une programmation éclectique. Avec des genres différents pour que cela plaise au plus large public possible." D’année en année, on retrouve parfois les mêmes comédiens sur les planches. Face à la mer. "Il y a plein de bonnes compagnies locales. Mais on fait un roulement pour ne pas inviter toujours les mêmes", sourit Chantal Martino. Émue par la fidélité dans le public.

"Sur 200 spectateurs, il y a souvent plus de 50 habitués de longue date. Ils reviennent tous les ans, que ce soient des locaux ou des vacanciers réguliers."

L’anniversaire du festival sera ainsi un peu le leur. À eux aussi.