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Famille syrienne en Bretagne | « Les Barbares » au cinéma : des réfugiés de second choix

Famille syrienne en Bretagne | « Les Barbares » au cinéma : des réfugiés de second choix
La famille syrienne Fayad est accueillie par un graffiti sur le mur de sa nouvelle maison : « Barbares dehors ! »

Le grand village, la petite ville, la communauté provinciale… les gens aiment se convaincre que le monde qu'ils craignent secrètement et qu'ils devraient tenir à l'écart est en réalité parfaitement bien ici. Paimpont, dans la pittoresque Bretagne, n'a pas une population particulièrement nombreuse, mais on y trouve un pourcentage important de chômeurs, d'alcooliques et de dépressifs. C'est du moins ce qu'affirme Joëlle, l'enseignante dévouée, dans le film « Les Barbares », qui sort dans les cinémas allemands une dizaine de mois après sa sortie en France. Joëlle est interprétée par Julie Delpy, également réalisatrice du film.

L'agence avait initialement recherché des réfugiés ukrainiens, mais ils sont « très recherchés sur le marché des réfugiés », selon le maire et propriétaire de la scierie Sébastien (Jean-Charles Clichet). Les Bretons ont donc dû se contenter de la famille syrienne Fayad. Le portrait de Zelenskyi dans leur logement a rapidement été remplacé par un tableau de sirène. Pour couronner le tout, les Fayad exerçaient à Damas des professions inexistantes à Paimpont : leur père Marwan (Ziad Bakri) était architecte, sa sœur Alma (Rita Hayek), qui a perdu une jambe à la guerre, était médecin, sa femme Louna (Dalia Naous) était graphiste de formation, et son grand-père Hassan (Helou Fares) était poète. Et puis il y avait le fils discret Wael et sa fille Dina, dont les jeunes du village sont immédiatement tombés amoureux à l'arrêt de bus.

Le cliché brutal du « choc des cultures » se révèle être un « choc des qualifications ». Les Fayad parlent anglais et un peu français, et les femmes ne sont pas voilées. Philippe (Mathieu Demy), un commerçant véreux, se sent donc obligé de dire à Anne (Sandrine Kiberlain), sa femme qui boit en cachette : « Les Syriens ont l'air de gitans. » Cela pourrait être assez amusant. La famille syrienne est accueillie par un graffiti sur le mur de sa nouvelle maison : « Barbares dehors ! » Les barbares, comme on le sait, sont tous ceux qui ne parlent pas très bien le grec. Mais l'arrivée des étrangers venus de la zone de guerre amène peu à peu la paisible communauté à révéler ses conflits secrets et refoulés. Le pittoresque déprimant s'effondre.

A l'origine, ils avaient postulé pour des réfugiés ukrainiens, mais ils sont « très recherchés sur le marché des réfugiés », c'est pourquoi les Bretons doivent se contenter de la famille syrienne Fayad.

Dans la première moitié du film, divisée en actes conformes à l'héritage culturel occidental, une équipe de tournage accompagne le projet d'intégration, veillant constamment à présenter une image positive des acteurs. L'intrigue est racontée au moyen d'interviews et de visites mises en scène. Ainsi, toute perturbation, même minime, de ce cosmopolitisme exemplaire peut être supprimée au montage. Mais à un moment donné, le présentateur se désintéresse des Fayad et de Paimpont ; après tout, ce n'est qu'une histoire d'apéritif ; ils en ont d'autres en réserve. La situation s'envenime après qu'Yves (Albert Delpy), un agriculteur bio, communiste et anti-vaccin, ait cédé sa petite ferme aux Fayad pour éviter qu'elle ne fasse faillite, et parce que Louna s'occupe des artichauts pour lui.

Dès le début, le plombier Hervé (Lauren Lafitte) trouve les étrangers une épine dans le pied, car, selon lui, il ne va pas bien, ou plutôt pas assez bien. Il est très, très travailleur et d'ici. Il trouve dans les théories du complot en ligne le soutien que son monde ne lui fournit plus. Sa frustration est une aubaine pour les imposteurs de la « popularité » du mouvement identitaire. S'ensuivent : une canalisation cassée, une maison détruite, un mariage brisé, un nez cassé et un accouchement difficile sur la plage.

Malgré l'histoire de l'évasion des Fayad, « Les Barbares » est un film plutôt léger, avec une fin heureuse, qui fonctionne largement comme une comédie. Pourtant, Julie Delpy, surtout connue comme actrice, mais réalisant elle-même des films depuis près de 20 ans et nommée aux Oscars en tant que scénariste, parvient à soulever des questions sérieuses à l'écran : quels problèmes surgissent lorsque des inconnus dépendent les uns des autres sans être en paix avec eux-mêmes ? Comment un désir sincère de construire une communauté peut-il naître lorsque le seul élément qui la maintient unie est le fait de ne jamais être absent ? Quel mal y a-t-il à vouloir être utile ?

Il y a certainement eu des histoires d'évasion bien plus poignantes au cinéma ces dernières années, mais « Les Barbares » propose avec désinvolture une critique du business de l'évasion, de la relation instrumentale avec ceux qui sont dans le besoin. Le film montre également comment ceux qui ont oublié comment s'exprimer se cachent derrière des platitudes politiques qui contredisent leur apparence et leur bonté. Globalement, donc : un film d'une grande valeur pédagogique.

« Les Barbares : Bienvenue en Bretagne » : France 2024. Réalisé et écrit par Julie Delpy. Avec : Julie Delpy, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte et Ziad Bakri. Durée : 104 minutes. Sortie : 26 juin.

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